On dit qu’il faut coucher pour percer en tant qu’actrice. Je ne suis pas d’accord. Je n’ai pas couché. Bon, je n’ai pas percé non plus. Mais il y a de bonnes raisons à cela. Je tiens à dire pour commencer, que rien n’est plié et que je suis encore vaillante et disponible. Mais il est vrai que je n’ai pas tenu compte de certains paramètres qui optimisent une carrière naissante. Pour commencer, j’étais assez dispersée. Ma boussole indiquait beaucoup de directions et rarement celle du Nord. Je suis aspi, autrement dit je suis, sur le spectre du syndrome d’Asperger. Je prends au sérieux des choses qui ne le sont pas pour la plupart des gens et à la légère des choses qui leur importent beaucoup. Par exemple, je ne prends pas au sérieux la hiérarchie, ce système absurde qui fait croire à une personne qu’elle a plus de valeur que les autres. En revanche je suis désarçonnée voire meurtrie, quand on ne respecte pas les consignes pendant un exercice ou un jeu ou quand on ne me laisse pas finir ce que j’ai à dire. La propension qu’ont les gens à changer de conversation en quelques minutes me sidère ! Et avec une telle attitude, sur les tournages ça m’a joué des tours.
J’ai une bonne bouille croyez-moi, mais je suis certaine d’avoir fait flipper plus d’une personne ! J’ai le souvenir d’une comédienne de doublage pour Disney qui avait perdu toute concentration en ma présence. Nous étions chez dubbing Brothers, un studio de doublage à Saint Denis en région parisienne. Comme j’envisageais d’en faire, un copain directeur artistique m’avait introduite auprès d’un groupe de personnes qui doublaient des dessins animés. Imaginez une personne que vous ne connaissez pas qui vous fixe depuis un balconnet en verre, en clignant à peine des yeux. Cette personne, c’était moi. Je fixais une comédienne virtuose du doublage. Elle faisait plusieurs voix et son expression faciale se transformait pour chaque personnage. Fascinante ! Une MasterClass à elle seule ! Je suivais chacun de ses mouvements avec admiration. Curieusement, elle ne semblât pas saisir l’hommage que je rendais à son talent. Je pense qu’elle me prit pour une psychopathe. Après avoir raté plusieurs prises d’affilée, elle demanda qu’on me fasse sortir du studio. C’est Roger Carrel en personne qui avec beaucoup de douceur, m’expliqua la situation.
… J’aurais beaucoup aimé avoir une fée marraine qui m’aurait encouragée et soutenue sur le chemin chaotique du métier de comédienne. Car tout ne tient pas qu’au talent ni et surtout pas au potentiel ! Le potentiel c’est tout ce qu’on est capable de faire et d’offrir au monde, mais qui reste contenu. C’est un pari sur du vide. Le talent c’est bien, mais quand on ne lit pas les panneaux, on finit dans le fossé. Il y a des petites choses à savoir, qui permettent de mieux circuler sur cette route et d’éviter les crevaisons. Et être une femme de couleur agrémente le trajet de nids de poule qu’il serait bon d’éviter. Si je devais tracer une carte, pour celle qui, de couleur acajou comme moi, rêverait de se lancer dans cette profession aux atours scintillants, ce serait ce petit guide tiré de mon expérience d’actrice noire en France et des qualités d’observation estampillées Asperger. 10 # pour tirer son épingle du jeu et foncer vers la cité d’Emeraude. Ce guide, c’est la marraine fée dont j’ai toujours rêvé.
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Stéphane Theri
17/04/2020