Je craque pour toi
Auteur :
Chris Charvel
Categories : Romans
Date de parution : 10/09/2020

La réunion n’avait débordé que de dix petites minutes. Les principaux intervenants étaient déjà repartis. Seuls restaient Claire et William, debout, pratiquement face à face, simplement séparés par la table de conférence. Elle le vit s’étirer et entreprendre à nouveau de fureter dans son attaché-case, cette fois-ci pour y faire entrer les documents.
Elle l’observa avec un petit sourire d’amusement, se disant que les dossiers étaient condamnés à être froissés, ainsi transportés.
— Et sinon, vous n’avez jamais imaginé prendre quelque chose de plus gros ?
Il releva la tête, l’air interrogateur.
— Plus gros ? Plus gros que quoi ?
Elle soupira ouvertement.
— La taille de votre attaché-case, William. Je crois qu’il faudrait que vous pensiez à investir dans le modèle au-dessus !
Il la regardait les sourcils froncés, comme plongé dans une réflexion intense.
— Cela semblerait plus judicieux, à voir comme vous devez vous battre avec celui-ci pour y faire entrer ou sortir des documents ! continua-t‑elle.
Il réalisa soudain.
— Ah, vous voulez parler de ça ? demanda-t‑il en baissant les yeux sur sa serviette.
Il s’attarda dessus quelques secondes, silencieux.
— Non, mais en fait, c’est parce qu’il appartenait à mon père avant qu’il prenne sa retraite, et je m’étais toujours dit que plus tard…
Il s’arrêta net, se gratta le menton et poursuivit.
— Au fait, je peux vous poser une question ?
Elle eut l’air surprise.
— Oui, bien sûr !
— Eh bien, je me demandais si le tutoiement était réservé aux membres du codir, ou s’il était de rigueur de façon générale au sein de l’entreprise ?
Elle parut décontenancée par ce changement de sujet sans transition.
— C’est que… Tous les collaborateurs sont logés à la même enseigne, enfin du moins en interne. Tout le monde se tutoie. Du P-DG au simple employé.
Elle le fixa, la tête légèrement de côté.
— Pourquoi cette question ?
Il haussa les épaules.
— Ah. Comme ça. Je me doutais un peu qu’en tant que consultant externe ça ne pouvait pas être…
Elle se sentit rougir.
Qu’est‑ce qui te prend ?
Elle voulut lui répondre.
— Disons que…
Il lui coupa la parole.
— Pas de souci, Claire, vraiment !
Elle était réellement désemparée par son attitude. Elle le vit tendre sa main droite vers elle.
— À cause de mon retard, nous n’avons pas pu faire le traditionnel tour de table qui nous permet de nous présenter. J’en profite donc pour le faire maintenant. Je suis William Gardet.
Après une légère hésitation, elle lui serra la main, de plus en plus étonnée.
— Euh, très bien… Et moi, Claire Leblanc, je suis votre…
Son visage s’éclaira.
Quel sourire !
— Je sais parfaitement qui vous êtes, vous êtes ma directrice, c’est bien ça ? Je ne suis pas encore au point avec les noms des salles de réunion, mais pour ceux des personnes, ça va, j’y arrive.
Ses lèvres s’étirèrent à nouveau.
— Eh bien, Claire, je voulais vous dire que je suis ravi de travailler au sein de votre direction… Vraiment !
Elle se sentit rougir. Décidément, cet homme ne paraissait pas banal !
— Merci, c’est très gentil, William.
Il finissait de ranger ses affaires avec empressement tout en discutant avec elle.
— Ce soir, j’ai un rendez-vous ! lui lança-t‑il d’un ton joyeux, comme s’ils se connaissaient depuis longtemps.
— Ah, bien… D’accord.
Elle hésita.
— Sinon, euh, j’ai trouvé…
Elle toussota.
— Votre présentation de tout à l’heure était très claire et très synthétique, même pour une profane comme moi, bravo !
Un autre sourire barra le visage de William. Et de nouveau, elle dut se rendre à l’évidence : elle avait l’impression qu’il pourrait la faire fondre. Tout le monde explique que ce que l’on remarque d’abord, chez les personnes que l’on voit pour la première fois, ce sont les yeux. Mais un sourire est tout aussi révélateur, et celui-ci… Tout son visage s’illuminait, dans ces moments !
Une vraie pub pour une marque de dentifrice.
Il enchaîna.
— Je suis content que vous me disiez ça.
Il redevint sérieux et fronça un peu les sourcils.
— Je sais que le dossier est sensible en ce moment, poursuivit‑il. Je voulais faire au mieux afin que chacun ait les données en main pour pouvoir réfléchir au…
Il remarqua qu’elle avait l’air ailleurs en le regardant.
— Euh, Claire, tout va bien ?
Tirée de ses pensées bucco-dentaires, elle se sentit rougir une nouvelle fois.
— Comment ? Ah oui… oui, oui… Pas de souci.
Afin de retrouver rapidement une contenance, elle consulta sa montre et réalisa que le temps avait filé plus vite que prévu.
— Bon sang ! Je suis en retard, il faut que je vous laisse.
Il leva les mains en baissant un peu la tête.
— Je comprends.
Elle ramassa son portable et ses dossiers, et entreprit de se hâter vers les ascenseurs. Elle devait encore repasser par son bureau pour prendre ses affaires personnelles.
— Bonne soirée et à demain ! lui dit‑elle.
Elle laissa dans son sillage un doux parfum qui vint chatouiller agréablement le nez de William. Il ne chercha pas à savoir de quelle grande maison de couture émanait cette fragrance, il n’y connaissait rien de toute manière.
Il se perdit quelques instants dans ses pensées. Lui aussi avait de temps à autre au cours de la réunion observé sa supérieure. Il la trouvait charmante, même si elle semblait légèrement plus âgée que lui. Il s’agissait d’une belle femme indéniablement, grande, élancée, de longs cheveux châtains, plus clairs aux pointes.
Un balayage ?
Il jugea ses yeux très jolis, noisette avec des reflets verts. Il se demanda furtivement si Leblanc était son nom de jeune fille ou pas.
Mais tu débloques, mec !
Heureusement, il était seul. Il avait effectué une entrée remarquée tout à l’heure, il n’était pas nécessaire d’en rajouter. Il consulta son téléphone portable.
Mince, je suis en retard !
Ce soir, il avait un rendez-vous… Un rendez-vous très important, comme chaque année à cette date.
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Delphine 83
11/09/2020