
Ma respiration se calque sur la sienne, rapide, fiévreuse. Sa main écarte mes cheveux derrière les oreilles, tandis que ses yeux me dévisagent avec une force qui me bouleverse, m’ôte toute résistance. Quand il m’embrasse, un mélange de passion et de tendresse se déchaîne dans mon corps. Une envie de plus. Beaucoup plus. Sa langue se fraye un chemin sans difficulté jusqu’à la mienne. Ensemble, elles entament une danse sensuelle, celle qui mène vers un état second, comme une drogue.
Ses doigts se faufilent sous mon chemisier, je tressaille. Un à un, il en défait chaque bouton, avec une lenteur qui m’angoisse autant que ça m’excite. Je tremble lorsque sa peau frôle celle de mes épaules. Me voilà en soutien-gorge face à un homme au regard à la fois étincelant et impénétrable. Rivé sur le haut de mon anatomie, il semble plongé en pleine réflexion. Je baisse les yeux pour y découvrir les traces d’une vie merdique, d’une violence encore ancrée, comme marquée au fer rouge. Mes paupières me piquent, mais ma fierté m’empêche de me laisser aller. Les douleurs sont mes dernières barrières. Elles me permettent de garder la tête haute, d’avoir une raison d’en vouloir au monde entier, de ne pas m’attacher. Sauf qu’aujourd’hui, mises à jour, elles se fragilisent.
Éros me retourne pour que je me retrouve face au miroir. Chose que j’évite de faire quand je suis nue. C’est un supplice de voir à quel point mon corps n’est qu’un délabrement. Je ferme les yeux, refusant cette torture. Il passe alors ses mains sous la ceinture de mon pantalon, le fait glisser le long de mes jambes en caressant ma peau sur son passage. J’arrête de respirer, prise entre l’envie de fuir, et celle de me réfugier dans ses bras.
— Regarde-toi dans la glace, me souffle une voix chaude dans l’oreille.
En ouvrant les yeux, je suis prise de vertiges. Heureusement qu’Éros se trouve derrière moi pour me soutenir, sans quoi, je serai déjà au sol. Je suis du regard son doigt, qui détaille avec peine chaque hématome qui noirci ma peau, ne laissant que peu d’espace à sa couleur naturelle. Je lutte chaque seconde pour affronter tout ça en face. Ma vue se voile de larmes que je ne peux plus retenir. Une goutte s’échappe, suivie d’une seconde, que j’efface d’un revers de la main. J’aperçois à côté de moi une serviette, que j’attrape pour me couvrir. Être dans cet état est déjà difficilement supportable, mais savoir qu’Éros m’observe à travers le miroir, je ne peux pas. Je refuse d’y voir de la pitié ou du dégoût. Ça m’anéantirai.
— Oh non, mia bella, ne te cache pas de moi.
Il m’arrache le bout de tissu des mains, son corps me bloque, m’oblige à me confronter à mon cauchemar.
— Pourquoi est-ce que tu fais ça ? sangloté-je.
— Parce que je veux que tu vois, ce que moi je vois.
Ses yeux captent les miens dans notre reflet. Ils sont brillants, ne semblent pas porter de jugement. La compassion se lit sur son visage. Mes lèvres tremblent, tandis que je sens que mes limites sont atteintes.
— Craque si tu en as besoin. Je suis là, pour te soutenir.
Son timbre de voix, avec son accent italien, m’achève. Toutes mes barrières, les dernières qui me protégeaient, tombent, les unes après les autres. De ses bras puissants, Éros me retient, me réchauffe, m’évite de sombrer encore plus bas. Je ne suis plus rien, autre qu’une femme brisée et vulnérable, quand je rêvais d’être invincible. De faire de mes fêlures une force indestructible. Il a fallu que je tombe sur lui, homme aux différents masques, pour tout remettre en cause.
Et maintenant, qu’est-ce que je vais devenir ?
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Sedona
22/08/2020